Par une ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, le gouvernement a aménagé les règles relatives aux délais échus pendant la phase d’urgence sanitaire lié au COVID-19, laquelle a été déclarée pour une période de deux mois, à compter du 24 mars et jusqu’au 24 mai 2020.
L’article 1er de l’ordonnance met en place une période juridiquement protégée qui se situe entre le 12 mars et l’expiration du délai d’un mois après cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Les article 4 et 5 de l’ordonnance s’appliquent notamment en matière contractuelle :
Par son article 4, l’ordonnance paralyse, durant une période déterminée, les effets de toute clause (astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéances) sanctionnant l’inexécution d’un débiteur.
Les clauses en question ne peuvent prendre effet qu’après le délai d’un mois suivant la période juridiquement protégée (période d’urgence sanitaire + 1 mois).
Cela signifie ainsi que, malgré l’état d’urgence sanitaire, là où tout paiement doit être effectué en application des conditions contractuelles, la sanction de la non-exécution voit ses délais suspendus et ses effets reportés.
L’article 5 de l’ordonnance offre aux parties souhaitant résilier ou ne pas renouveler leur contrat, qui n’ont pu le faire dans le délai imparti, un délai supplémentaire.
Ce délai supplémentaire est de deux mois après la fin de la période juridiquement protégée.
A titre d’exemples :
- Un prestataire de service est lié depuis plusieurs années à un client lequel rencontre de très graves difficultés financières et ne s’est pas exécuté depuis le 25 mars, alors que le contrat prévoyait un paiement au 25 du mois. Tout moyen de sanctionner l’inexécution ne peut prendre tout de suite effet. C’est le cas de la clause pénale introduite dans le contrat qui ne pourra s’appliquer qu’à compter d’un délai d’un mois suivant la période juridiquement protégée (soit deux mois après la fin de l’urgence sanitaire). Idem, pour la clause résolutoire qui ne pourra être activée qu’en respectant les mêmes délais ;
- Ce même prestataire de service est lié depuis 3 ans à un client par contrat à exécution successive, renouvelable annuellement, arrivant à terme le 1er avril 2020. Ce client, qui n’a pas peut-être pas pu notifier à son cocontractant, sa volonté de ne pas renouveler le contrat du fait de l’état d’urgence sanitaire voit la date limite de notification reportée. Ce report se fera à un délai de deux mois suivant la période juridiquement protégée (soit trois mois après la fin de l’urgence sanitaire).
L’ordonnance peut donc laisser penser qu’elle favorise la non-exécution à la sanction de celle-ci.
Quid par exemple du mécanisme légal, et non contractuel, offert par la résolution du contrat par simple notification ? L’article 1226 du Code Civil permet au créancier à ses risques et périls, de « résoudre le contrat par voie de notification » à condition de « préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ». Rarement usité en pratique, le mécanisme n’est pas visé expressément par l’article 4 de l’ordonnance et pourrait le cas échéant constituer une alternative intéressante pour sanctionner l’inexécution. A ceci près qu’au vu de la situation actuelle, la notion de délai raisonnable peut poser difficulté. Il convient donc de rester prudent quant à la possibilité de se prévaloir de ce fondement.
Par ailleurs, l’article 4 de l’ordonnance ne trouve pas à s’appliquer en cas de recours à des leviers légaux, pourtant utiles en cette période, telle l’exception d’inexécution par anticipation ou la demande de réduction du prix :
- L’article article 1220 du Code Civil a consacré en 2016, la possibilité de « suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle ». Au vu de la situation actuelle, ce mécanisme semble tout à fait à même de pouvoir anticiper des situations critiques et d’appréhender la non-exécution. Reste à prouver la justification de cette mesure et de le notifier dans les meilleurs délais ;
- L’article 1223 du Code Civil prévoit, lui, « en cas d’exécution imparfaite de la prestation », et « après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation » de « notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix ». Voilà un autre mécanisme qui pourrait sanctionner l’inexécution.
Enfin, l’article 5 de l’ordonnance ne vise pas toutes les clauses prévoyant une résolution du contrat. Certaines résiliations peuvent dépendre de situations concrètes, reposant sur des considérations économiques. On peut ici penser aux clauses de force majeures ou d’imprévision pouvant prévoir, comme ultime solution, pour le bien d’une ou des deux parties, la sortie du contrat. Ces clauses ne seraient pas concernées par les modulations des délais de l’article 5 de l’ordonnance.
L’ordonnance 2020-306 semble ainsi protéger les relations contractuelles au risque de favoriser la non-exécution plutôt que sa sanction. Néanmoins, celle-ci ne paralyse pas pour autant les possibilités de sanction ni celles de sortie du contrat. L’analyse par un avocat du cadre contractuel et de la situation concrète de la relation entre les parties est nécessaire, afin de voir si une solution immédiate peut être amorcée en fonction des dispositions contractuelles ou en application du droit positif actuel et des dérogations résultant de la crise sanitaire actuelle lié au COVID-19.