Lanceur d’alerte : appréciation in concreto de la bonne foi du salarié par les juges

Série Compliance & contentieux

CA PAU 28 janvier 2021 n°19/03322

Analyse

Les faits :

Une salariée qui occupait le poste de directrice de services d’un club de rugby avait dénoncé auprès du président de la société ainsi que du Conseil d’administration des agissements révélant « certaines anomalies dans le fonctionnement du club portant préjudices à ses intérêts économiques ».

Par la suite, la société licenciait la salariée pour exercice abusif de sa liberté d’expression en arguant que la dénonciation par la salariée était totalement étrangère aux faits qui lui étaient reprochés.

Ainsi, l’employeur estimait que sa salariée avait manqué à son devoir de neutralité et se bornait à dénigrer des décisions prises par le président.

La décision :

La Cour d’Appel de PAU a estimé toutefois que c’est précisément parce que la salariée a dénoncé de tels faits qu’elle a été licenciée.

La Cour a jugé que « c’est précisément le signalement de la salariée, auprès du conseil d’administration de la société, d’une alerte sur des faits dont elle a eu personnellement connaissance dans l’exercice de ses fonctions susceptibles de caractériser une violation de la loi au préjudice des intérêts du club, qui lui est reproché. »

Pour arriver à ce raisonnement, les juges ont fait une application in concreto de la bonne foi de la lanceuse d’alerte et a procédé au relevé d’un important faisceau d’indice pour appuyer sa motivation.

La décision prend en compte, notamment, que la salariée a rapporté des avances sur salaires, dénoncé des notes de frais excessives, des contrats ne mentionnant pas les bons engagements financiers etc…

La Cour précise encore que dans ces conditions, l’employeur qui souhaiterait licencier un salarié doit rapporter des éléments objectifs étrangers aux déclarations de l’intéressé effectuées dans le cadre d’un tel signalement.

En l’espèce, « aucun élément du dossier de l’employeur ne permet d’établir la mauvaise foi de Mme X dans le déclenchement de l’alerte (…). »

Ainsi, par cette appréciation in concreto de la bonne foi de la salariée licenciée, les juges du fond ont infirmé le jugement de première instance.

La Cour d’appel concluant que le licenciement trouve son origine exclusive dans l’alerte déclenchée par la salariée et que dans ces conditions ce licenciement est entaché de nullité.

Autrement dit, lorsque le signalement respecte les articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016[1] dite « loi Sapin 2 », la salariée ne peut être licenciée cette dernière étant nécessairement de bonne foi.


[1] N°2016-1691, loi relative à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Thibaud Lemaitre

Thibaud Lemaitre

Associé Département Pénal des affaires / Risques graves / Compliance