Cour de Cassation, Chambre Commerciale 15 janvier. 2020, n°17-27.778
Une société de livraison de pizzas, Speed Rabbit, a fait face à des difficultés financières qu’elle imputait notamment à des pratiques de l’un de ses concurrents Domino’s Pizza. La première a assigné la seconde aux fins de la voir condamner pour concurrence déloyale. La seconde s’est défendue en demandant, reconventionnellement, la condamnation de la première pour dénigrement et procédure abusive.
Il faut dire qu’avant que le litige soit présenté devant une juridiction française, le dirigeant de Speed Rabbit de a, à plus reprises, eu des propos pour le moins corrosifs à l’égard de son concurrent. Tout d’abord, le dirigeant en question a, dans l’espace commentaire d’un site marchand, visé Domino’s Pizza en tenant des particulièrement dévalorisants concernant la qualité de ses pizzas ainsi que de ses ingrédients. Puis, le dirigeant de Speed Rabbit a visé le fonctionnement même de son concurrent en publiant sur son blog, un billet d’humeur affirmant que celui-ci tromperait la DGCCRF et pervertirait la relation avec ses franchisés. Le dirigeant apparaît enfin dans une vidéo publiée sur internet manifestant sa joie après la déclaration d’un procureur new-yorkais annonçant une enquête menée contre Domino’s Pizza sur le sol américain.
La cour d’appel de Paris ne va pas reconnaître d’acte de concurrence déloyale de Domino’s Pizza mais condamner Speed Rabbit pour dénigrement.
La Cour de cassation a donné une réponse en deux temps.
Concernant la concurrence déloyale, la chambre commerciale a censuré l’arrêt d’appel estimant que la juridiction parisienne n’avait pas suffisamment étudié toutes les pièces qui étaient à sa disposition afin de juger la potentielle illicéité du comportement de Domino’s Pizza. Plus particulièrement concernant les facilités de paiement accordées à ses franchisés, lesquelles, selon la demanderesse, constitueraient des opérations de crédit, prohibées pour toute entreprise n’ayant pas qualité d’organisme financier. La Cour de Cassation a ainsi renvoyé l’affaire devant une juridiction d’appel afin de statuer si ces délais sont ou non illicites et constitutif d’une concurrence déloyale de Domino’s Pizza
Toutefois, la Chambre commercial a confirmé la condamnation de Speed Rabbit pour dénigrement au titre de l’ancien article 1382 (actuel article 1240) du code civil. L’ensemble des actes reprochés au dirigeant de la société Speed Rabbit constituent une atteinte à la réputation de Domino’s Pizza permettant d’engager la responsabilité du dirigeant de la première.
Le dénigrement est habituellement sanctionné lorsqu’il porte sur les produits ou services d’une société. En l’espèce, ce qui est remarquable, c’est que les propos concernent ici les services et l’organisation commerciale et financière du réseau de distribution.
Attention à bien surveiller son discours à propos de son concurrent. Il est nécessaire de faire preuve de retenue dans ses propos à l’égard d’un concurrent soupçonné de pratiques illicites. Le risque encouru est donc une condamnation pour dénigrement et, ce quelle que soit la véracité des faits dénoncés.